Sa saison favorite, c'est l'hiver. Parce que tout est blanc, froid, immaculé × Depuis toujours, elle a été plongée dans le monde de la couture, du stylisme. Sa grand mère maternelle était couturière pour les hautes personnalités de Russie, sa mère a fait quelques années dans le mannequinat avant de tomber enceinte × Même si elle ne croule pas sous l'argenterie, Siya vit relativement bien. Si on oublie de prendre dans l'équation les innombrables plats surgelés qui traîne un peu partout dans son petit appartement, derrière la boutique qu'elle tient. × En journée, elle attache souvent ses cheveux qui la gène lorsqu'elle conseille telle ou telle personne sur leur style vestimentaire. Et est souvent habillée de longs pulls. Lorsque la nuit tombe, la belle innocente devient une toute autre personne. × Elle aime séduire. Plaire. Paraître irrésistible, intouchable par la gente masculine. × Siya, elle ne sourit pas souvent, trop enfermée dans son esprit en surcharge. Mais lorsqu'elle sourit, le monde tombe pour elle. × La seule chose qui lui reste de son père, c'est son dégoût total pour ce qui est de l'alcool. Les personnes ivres lui hérissent le poil. Elle n'a jamais été une grande buveuse et se l'est juré qu'elle ne le serait jamais. Le spectacle de son père ivre mort écroulé sur un fauteuil hante encore ses rêves. × Elle ne dit jamais non à une petite clope par contre. Pas qu'elle aime ça, mais disons que ça la détend. × Son premier amour lui a brisé ses rêves d'un futur parfait. Elle s'est promis de ne plus jamais tomber amoureuse. Tout ça, c'est que des emmerdes. Seuls les corps emmêlés, lourds d'attirances lui procurent ce qu'elle a besoin. Sans attaches. × Elle voudrait parcourir le monde. Son plus grand souhait est de partir vivre à Paris. × Elle aime l'art. Le vrai, le beau, le muet. × Plutôt vieux jeux niveau musique, elle préfère écouter le bon vieux rock que ces nouvelles chansons commerciales.

Et elle danse, danse, danse jusqu’à plus souffle. Son corps virevolte, ses yeux se ferment. Elle s’imprègne la belle innocente. Elle n’a que faire des regards ronds posés sur elle. Elle a besoin de souffler. De s’imaginer partie, peut-être sur le haut d’une montagne enneigée. Ou sous terre. Elle ne sait pas. Et à vrai dire, elle n’en a pas grand chose à faire la brunette. Elle a fermé plus tôt que d’habitude. ça a certains avantages d’être le patron. Elle sourit pour elle même. Elle a fermé boutique et sans plus attendre, la jeune femme a sauté dans une petite robe noire. Rien de bien compliqué. Mais c’est une robe noire. Et ça fait toujours mouche. Elle sait qu’ici, ce soir, elle est irrésistible. Comme souvent. Comme toujours. Les regards caressent son corps peu vêtu. Ses longues jambes blanches perchées sur des hauts talons. Et elle danse. Un rythme inconnu s’infiltre dans les oreilles de la belle. Elle ouvre ses yeux, observent les gens autour d’elle. La plupart ont des verres en main. Siya, elle trouve ça triste. Triste que plus personne ne sache passer une soirée sans avoir l’alcool coulant à flots dans leur veine. Elle ne boit pas. Ou très rarement. Après tout, elle n’en a pas besoin. Et toujours, elle est maître de ses actes. Et puis c’est là. A quelques mètres derrière elle, assis sur un tabouret. Elle ne le voit pas bien. Sauf ses yeux, qui percent la noirceur du bar. La jeune femme ne sait dire si c’est un tour que lui joue son imagination. Sans doute. Personne n’a des yeux brillants. Mais lui, oui. Il est là, assis, immobile. Et il la regarde. Elle serait tenté de se dire « encore un ». Mais il y a quelque chose en lui qui la déstabilise. Son regard perçant sans doute. Elle tourne sur elle-même. Elle lui montre son dos. Et pourtant, il ne la quitte pas des yeux, jamais. De là où elle est, elle voit son reflet dans une vitre tintée. Et l’homme mystérieux qui la fixe toujours. Elle ne sait pas trop pourquoi, mais ses hanches se déhanchent plus encore. Elle sourit doucement. Ses yeux bleus accrochent les siens. Elle n’est pas sûr de ce qu’elle fait. Elle joue. Et dieu sait qu’elle aime ça. Les heures passent, les musiques défilent. Et alors que Siya était prête à partir, rentrer chez elle, perturbée par cet inconnu ne l’ayant pas abordé, voilà que celui-ci arrive vers elle. D’une démarche digne d’un félin. Doucement, sans jamais la quitter des yeux. « Je veux que tu sois ma muse, rien que pour une nuit s'il le faut ». La belle s’attendait à quelque chose d’un peu plus sophistiqué. Et elle éclate de rire. Jaune. Après tout, il était comme tous les autres. « Tu aurais pu dire aussi : ton père est un voleur il a pris toutes les étoiles du ciel pour les mettre dans tes yeux, quoi que, ça reste du même niveau ». Elle ne sait pas trop pourquoi elle lui sort ça. Peut-être qu’au fond, elle fut déçu. Son cerveau lui avait encore joué des tours. Elle se tourne, attrape son verre rempli de coca et ne daigne plus lui adresser un regard. Tout ça pour ça. Et il lui dépose une carte. Siya secoue la tête, on dirait un racoleur maintenant. Mais sans trop savoir pourquoi, elle finit quand même par fourrer cette carte dans son sac. Et rentre chez elle.

A vrai dire, elle ne sait pas trop ce qu’il lui est passé par la tête ce jour-là. Sans doute avait-elle mangé quelque chose qui était resté dans son frigo pendant trop de jours. Surement. Parce que Siya, c’était une jeune femme intelligente, qui se le répétait chaque matin et chaque soir. Elle ne se faisait pas avoir comme une bleue. Encore moins par sa propre personne. C’était donc tout naturel qu’elle ait rejeté la faute sur un petit déjeuner pas frais pour ce dix huit avril. Voilà. C’était aussi simple que ça. Même si au final, elle savait très bien que ça ne l’était pas du tout. Elle avait voulu se prouver quelque chose. Quelque chose de totalement idiot la belle. Et elle s’était fait avoir. Comme une souris pour du fromage. Sauf qu’en l’occurrence, elle avait un tant soit peu plus d’intelligence qu’une souris et que le fromage se révélait être un tatoué au corps divin et aux yeux de braise. Et dieu qu’elle détestait ça. Aujourd’hui, ça devait faire un peu près six mois qu’ils se connaissaient. Qu’elle était entré dans son antre, qu’elle avait découvert une personne aux antipodes de ce dont elle imaginait. Chaque matin en se réveillant, elle regrettait qu’il ne soit pas plutôt un vieux tangui, avec pour hobby principal les jeux vidéos et les sachets de chips. Parce qu’il lui arrivait de plus en plus souvent de se réveiller en nage, haletante. Parce que la petite brune, elle ne désirait qu’une seule chose. Lui. Pour son plus grand malheur. Pourtant, elle s’était juré de laisser toutes ces idioties derrière elle. Siya, elle vaut mieux que ça. L’amour, c’est totalement idiot, puéril et ne sert à rien sauf à vous éloigner de vos objectifs. Et elle n’avait qu’un seul objectif. Montrer ses créations au monde entier. Être reconnue. Et penser à lui toutes les cinq minutes ne lui facilitait vraiment, mais alors là vraiment pas la vie. Pourtant, elle devait s’éloigner. Ou en tout cas, éloigner ses pulsions qui lui prenaient le corps dès que son regard se portait sur les tatouages, le visage, les mains, la bouche de Iago. Alors la belle, elle enferme tout ça dans un coin, barricade la porte et sort la nuit. Parce que lorsqu’elle se déhanche, elle parvient à l’oublier, ne fut-ce qu’une seconde. Mais quand un homme vient derrière elle, lui agrippe les hanches, colle son bassin au sien, tout ce qu’elle voit, ce qu’elle imagine, c’est les mains, le souffle, les dents de Iago. Et elle se déteste pour ses moments de faiblesse. Siya sait très bien que la meilleure façon d’arrêter ce supplice, c’est d’arrêter de le voir. Sauf qu’elle en est incapable. Et céder consisterait à n’être qu’une femme de plus dans le lit de Iago. Et elle ne veut pas ça. Siya, elle veut tout. Elle veut le monde à ses pieds. Pour elle. Rien qu’à elle. Alors elle résiste. Encore et toujours. Mais plus pour longtemps.